L'envie : du ressentiment de Matthieu Terence
Résumé :
“ L’envie est, avec l’orgueil, l’un des péchés du diable. En suivant la carrière du Mal à travers les siècles, on comprend que l’envie se soit muée en ressentiment.
Cet affect caractérise aujourd’hui l’ère d’uniformisation mondiale à laquelle la modernité donne lieu. Comme l’ont pressenti Nietzsche, Bernanos ou Robert Bresson, chacun envie désormais les autres pour ce qu’ils ont, pour ce qu’ils font ou même pour ce qu’ils sont. Et, paradoxe diabolique, c’est bien à cette condition ressentimentale que le monde suit sa course à l’indifférenciation. ”
Les sept péchés capitaux, ce n'est pas seulement de la théologie, c'est aussi de la littérature. Il fallait Mathieu Terence, l'auteur de L'autre vie, pour nous raconter les affres et les terreurs du désir de possession.
Mon avis :
Parmi les sept péchés capitaux, il en existe un qui se nomme l’envie dont le ressentiment est le moteur principale selon l’auteur.
Pour approcher ce péché capital, l’auteur va faire partir sa réflexion de la Bible pour en venir jusqu’à nos jours, car qui mieux que le diable est à l’origine de ce péché ? En commençant par la Bible et son diable, l’auteur va donc poser le tableau de ce qu’est l’envie. Comment se manifeste-t-il ? Et qu’en pensaient les saints et autres gens d’Eglise ? Pour Grégoire 1er , l’envie a « pour progéniture la haine, la discorde, la diffamation, la joie de voir autrui dans l’adversité, le chagrin de le voir prospérer. » p.35
Tout cela reste bien évidemment en surface, néanmoins cette approche historique et philosophique permet de voir l’évolution du diable dans les discours et même dans la société quand « le démon se retire des débats théologiques » pour « envahir l’art et les asiles ». p.21
Aujourd’hui, excepté quelques hurluberlus, plus personne ne croit au diable, mais lui et son envie ont-ils disparu pour autant ? Non, car le diable peux prendre différentes formes, et à entendre l’auteur l’une des pires formes est celle du ressentiment. Ce ressentiment qui naît de l’envie. L’envie à ne pas confondre avec la jalousie.
« La jalousie est une possessivité, quand l’envie est une convoitise. On est jaloux de son bien ou de ce qu’on considère comme tel, comme l’avare l’est de son magot. Le jaloux vit dans la terreur de perdre, l’envieux est rongé par la rage de s’approprier ce qui lui paraît lui revenir et qui, par malchance ou par injustice bien sûr, est le propre d'un autre », & « L’envie n’est d’ailleurs pas proportionnelle à la valeur objective de la « chose » désirée. Descartes maintient qu’elle est une passion, « une espèce de tristesse mêlée de haine qui vient de ce qu’on voit arriver du bien à ceux qu’on pense en êtres indignes » ». p. 36
Une fois cela fait, toute sa réflexion dénoncera les excès de ressentiment, de ces groupes ou de ces personnes envieuses, qui ne pouvant posséder ce qu’ils pensent leur revenir de droit et sans effort, souhaite le malheur de celui qui a. Saboter les bases de la société pour que tout le monde vive en état d’échec permanent, serait l’idéal de l’envieux. L’envieux aime bien se présenter en victime, et ainsi justifier sa haine.
Tout cela est bien beau, mais au final dans notre société actuelle, où diable le diable se cache-t-il ? Dans l’argent, la société de consommation, le pouvoir, les belles idées politiques enfin de premier abord. Bref ! Il se cache de partout et fait adopter de nouveaux comportements. Mais le problème c’est qu’au nom de l’envie que l’on présente toujours comme normale dans nos sociétés, c'est qu'elles basculent souvent dans des excès idéologique ou comportemental comme le narcissisme. La réflexion va encore plus loin mais arrêtons-nous là.
En résumé, très intéressant tout cela, il y a matière à la réflexion, mais pour être honnête j’ai trouvé le propos de l’auteur parfois un peu confus, - à moins que ça soit ma fatigue qui en soit responsable ? -, j’admets en effet avoir eu parfois du mal à suivre le cheminement de ce dernier. De plus, j’ai eu quelquefois l’impression qu’il tenait des propos qui auraient demandé plus de nuance et d’explication. Et enfin et au final, je trouve que l’auteur s’est un peu éloigné de son sujet. Même si tout est bon à prendre pour base de réflexion.
Babelio et les Editions du Cerf.
Extraits :
"A la différence des six autres péchés, l'envie n'est liée à aucun plaisir, sinon celui que procure l'humiliation - encore est-ce un plaisir masochiste. Se méfier, se plaindre, se sentir victime d'injustice, blessé par l'avoir ou par l'être de l'Autre, sans espoir de trouver la paix sinon en agissant contre la personne qui nous semble jouir de ce qui nous revient de droit, autan de station discrète scandant le calvaire de l'envie, [...]". pp 29-30
"Celui qui n'est pas envieux fait des envieux. Une autre tactique consiste à se rabaisser, à s'enlaidir, à se plaindre. "Faire pitié plutôt qu'envie" est la nouvelle injonction de l'époque contemporaine." p.44
"Là où le dissolu peut prétexter la concupiscence, le lâche la pauvreté, le violent la colère, l'envieux n'a aucune excuse, sinon son impuissance à obtenir ce dont il conteste la jouissance à tel ou telle." p.38
"L'envieux de passif, peut devenir actif. Le dépit peut enfler son agressivité et le pousser à provoquer l'infortune, la faillite, l'échec, voire pire, de celui dont la réussite ou le bonheur l'offusque." p. 39