"Charlemagne" de Jean Favier
"Charlemagne" de Jean Favier
Résumé :
Successeur des Césars, Charlemagne dont la personnalité fut multiple, aura influencé la politique de la France et de l’Europe bien au-delà de son règne. Jean Favier brosse ici le plus magistral des portraits de l’Empereur. De l'héritier de l'Empire romain à l'empereur à la barbe fleurie, de l'inventeur de la Couronne de France à celui de l'école, l'Histoire donne bien des visages à Charlemagne ; il est souvent difficile de distinguer la part du mythe et de la réalité. Aussi Jean Favier a-t-il consacré une partie entière de son ouvrage au personnage construit par les siècles. Le grand médiéviste s'attache d'abord à replacer le personnage dans son contexte historique, analysant minutieusement la société dont il est issu. Il brosse également un portrait fouillé de ce souverain dont l'action était toute entière tournée vers un seul but : l'unité politique et religieuse de l'Occident chrétien. Sous le mythe, on découvre un homme raffiné, épris de poésie latine, lisant le grec, artisan d'une renaissance intellectuelle qui n'aura pas d'équivalent avant longtemps. Du système monétaire à l'Église, pas un domaine n'a échappé à son ardeur réformatrice que ses conquêtes ont étendue à un énorme empire : tous les éléments d'une légende étaient réunis, le temps a fait le reste.
Membre de l’Institut, directeur général des Archives de France, puis président de la Bibliothèque nationale de France, président de la Commission d’histoire de Paris, Jean Favier a publié plus d’une vingtaine de livres sur le Moyen Âge. Ils ont tous été de très grands succès de librairie. Citons par exemple Philippe Le Bel, Louis XI, François Villon, Charlemagne, le Dictionnaire de la France médiévale, Paris, 2000 ans d’histoire, Pierre Cauchon et enfin Le Bourgeois de Paris au Moyen Âge (Tallandier 2012).
Mon avis :
Ce livre ravira tous les gourmands d’histoire, mais étant très très très détaillé, je le conseille vraiment pour ceux qui veulent en savoir plus et dans les détails sur Charlemagne, mais aussi sur les Mérovingiens, l’Europe, la société, l’agriculture, la renaissance Carolingienne, etc, etc... Alors si cela a des avantages et que c’est agréable d’en découvrir un peu plus sur cette Europe féodale qui fait suite à la chute de l’Empire Romain d’Occident (476) et que l’on connaît souvent très mal, faut admettre que parfois c'est un peu dur (surtout au début) à suivre, voilà pourquoi je conseille d’avoir quelques bonnes cartes sous les yeux pour arriver à bien suivre les conquêtes et compagnie. (A faire si bien sûr vous voulez vraiment bien visualiser cette ancienne Europe, mais en ce qui me concerne ça m’a beaucoup aidé. ^^)
Néanmoins malgré cela, ce livre est génial à lire. Pour ma part j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre l’évolution de l’Empire de Charlemagne, son organisation, ses marches, ses grands évènements…, et connaître par exemple ainsi la véritable histoire sur le désastre de Roncevaux, (la geste La chanson de Roland étant loin d’être juste car écrite fin du XIème et révisée par les auteurs), ou encore découvrir comment son règne a marqué l'histoire. En effet ce dernier n'a jamais été oublié par ses successeurs, Roi français, Empereurs du Saint Empire Romain Germanique, Napoléon 1er ou même des Nazis on souvent fait référence à cet empereur.
Alors certes Charlemagne n’a pas eu que des amis, ce dernier qui se pose comme le défenseur de la foi chrétienne, sera souvent en désaccord avec l’Empire Romain d’Orient, dont le siège se trouve à Constantinople. Déjà parce que cet empire a eu tout le long du Moyen-âge des revendications sur l’occident, mais aussi parce qu’ils ne pouvaient supporter qu’un roi dit "barbare" se pose en successeur de Constantin, (ils auront beaucoup de mal à admettre Charlemagne comme empereur), et soutienne en plus le pape. Bon ce n‘est pas pour autant que l’église catholique et Charlemagne s’entendront toujours comme larron en foire, d’ailleurs la canonisation de Charlemagne ne sera jamais vraiment confirmer par l’église, cela étant elle ne sera pas annuler pour autant. Plus proche de nous l’historien Michelet en fera un portrait pas du tout flatteur et mensonger.
Je ne vais pas m’attarder sur tous les sujets que le livre développe, car je voudrais m’arrêter sur un Charlemagne plus intime, mais en vrac je vais vous en donner quelques aperçus. Que ça soit sur la création de la dynastie des carolingiens, depuis Charles Martel et Pépin le Bref, sur l’éviction des neveux de Charlemagne par ce dernier à la mort de son frère Carloman, sur l’agriculture, le commerce, l’organisation des marches (car rien n’était laissé au hasard), les serments de fidélité que Charlemagne exigeait, les diverses capitulaires, ou encore sur le dénigrement des mérovingiens par Eginhard, (historien de Charlemagne qui a beaucoup écrit sur ce dernier mais hélas trop sous un beau jour, et au mépris de la dynastie précédente les mérovingiens, qui n’étaient sans doute pas tous des rois fainéants), tout est développé dans ces pages. Ce livre est une véritable carte géographique et sociologique sur cette époque mal connue.
Quand n’est-il de Charlemagne d’une façon moins générale ?
On connaît de Charlemagne le roi guerrier qui partait toujours en guerre pour mater les saxons, les avars, etc, etc... mais en privée c’était un homme assez simple, c’était un tout autre homme. Pour ma part il m’a semblé même plutôt bon, j’avoue. J’entends par-là pas cruel, qui avait soif de justice, d’équité, et protègait le petit peuple, un homme aussi qui apprenait de ses erreurs. C’était aussi un homme plusieurs fois marié (pour ma part je me souvenais seulement d’Hildegarde), et qui a eu 18 enfants ! A qui il donnera une réelle formation intellectuelle à ses filles comme à ses fils. Car il faut savoir que Charlemagne tenait beaucoup à l’instruction, lui-même avait une soif d’apprendre immense et n’aura de cesse de se perfectionner en s'entourant d’intellectuelles et formera d’ailleurs l’Académie Palatine, où chacun des participants portaient un nom de poète grecque ou latin (Horas, Homère, Pindare, Ovide), ou le nom d’un empereur (César, Antoine). Charlemagne lui, se réservant le nom de David en référence à David et Goliath, mais aussi au David « fondateur de Jérusalem, la tête de la maison dont est issu le Christ ». (Page 469-470).
Il est vrai que l’on pense souvent à tort que le moyen-âge était une époque sombre et inculte, ce livre va nous montrer l’inverse. Sous Charlemagne il y aura ce qu’on appelle aujourd’hui « la Renaissance Carolingienne ». En effet Charlemagne n’était pas un roi seulement obsédé par la religion et sa toute puissante pensée, il a cœur de faire revivre cet héritage gréco-romain, et il va y parvenir grâce à l’Italie, le pape Léon III lui fera parvenir des copies de grands classiques, mais surtout grâce aux îles britanniques ! L’évangélisation récente de ses îles a fait que ces dernières ont gardé jusqu’à très tard la culture latine. Et c’est en particulier à travers le monachisme anglo-saxon où on enseigne le comput, l’arithmétique, l’astronomie, la médecine, l’exégèse et la métrique et même un peu le grec, que l’empire de Charlemagne va pouvoir bénéficier des lumières antiques. En ce qui concerne l’Espagne de l’après wisigothique (qui était déjà une très grande culture), l’Espagne Mozarabe où se combine l’apport culturel des trois religions, sera très effacée de la renaissance carolingienne même si ces derniers travaillaient pourtant en commun sur les œuvres de la pensée grecque, en fait Charlemagne n’était pas très attiré par l’Espagne. Cela étant toute cette « Renaissance Carolingienne » se fera surtout sentir un peu après la mort de Charlemagne. Par contre pour tordre le coup à une légende et contrairement à l’idée reçue, Charlemagne n’a pas inventé l’école, elle existait déjà avant. Mais Charlemagne souhaitait l’ouvrir pour les enfants des riches comme pour les enfants des pauvres. Il voulait que chaque enfant dans les cités épiscopales sache la grammaire, lire, compter, car il savait que la culture assurée aussi l’avenir du royaume. C'était un homme des Lumières avant l'heure.
Enfin bref, il y’aurait encore beaucoup à dire sur ce livre, car il décrit tous les domaines où Charlemagne a agi. Voilà pourquoi je vais m’arrêter là. Mais si l’histoire vous intéresse je recommande vivement ce livre, même si je pense qu’il faut en faire plusieurs lectures pour bien mémoriser et comprendre l’œuvre de Charlemagne.
Je remercie au passage les éditions Tallandier pour ce service presse.